Le chef de projet au sein de l’équipe « Systèmes mécaniques et interactions » au sein de la direction Innovation et Recherche de la SNCF revient sur l’implication du groupe ferroviaire dans le projet Henri-Fabre, l’apport de ce dernier dans les réflexions du groupe sur la fabrication additive tout en saluant la méthode d’innovation orientée sur l’impact qui permet d’industrialiser rapidement.

 

La SNCF a intégré un des projets collaboratifs inter-filières du projet Henri-Fabre. Quel était votre intérêt ?

Louis-Romain Joly : Nous avons eu connaissance du Projet Henri-Fabre par le biais d’EDF et de Jean-Claude Van Duysen (chargé de mission R&D chez EDF, très impliqué dans le Projet Henri-Fabre, ndlr). Nous sommes rencontrés il y a environ deux ans pour échanger sur nos positionnements respectifs en matière de fabrication additive*. Quelques mois auparavant, la direction Innovation et Recherche de SNCF avait en effet débuté une étude sur le sujet. C’est ainsi que nous avons intégré le projet collaboratif portant sur la caractérisation mécanique d’un matériau (l’intox 316 L) produit par l’un des procédés de fabrication additive : la technologie SLM (frittage de poudre métallique par laser, ndlr). Un projet auquel participent d’autres acteurs, comme EDF, Airbus Helicopters, DCNS, la DGA, le CEA, DCNS …

 

Dans quel cadre la fabrication additive vous intéresse-t-elle ? Pour la maintenance des équipements ?

L-R. J : SNCF n’est pas producteur de pièces. En revanche, nous sommes des mainteneurs. SNCF gère un portefeuille d’environ 200 000 références de composants. Nous voyons dans le recours à la fabrication additive une nouvelle voie pour optimiser l’achat et le stockage de ces pièces. Nous avons lancé un projet sur la fabrication additive de pièces métalliques dans l’optique d’être en capacité de produire des pièces de rechange avec des caractéristiques globalement équivalentes aux pièces d’origine. Car nous avons un certain nombre de cas où, pour des questions de délais, de coûts ou de qualité, nous pouvons nous trouver en difficulté avec notre réseau de fournisseurs.

L’idée n’est pas de basculer tout vers le SLM, mais sur des problématiques ponctuelles – articles jugés critiques soit parce qu’ils génèrent des ruptures d’approvisionnement, soit parce qu’ils sont faiblement consommés mais que leur délai d’approvisionnement est long – et afin de limiter les stocks tout en évitant les immobilisations d’équipements, il peut être intéressant d’avoir une solution alternative pour fabriquer rapidement une pièce manquante.

 

Le projet collaboratif touche à ses termes. L’épreuve du réel ?

L-R. J : Le projet vient de se terminer en effet. Nous avons désormais tous les résultats de caractérisation qui nous permettent aujourd’hui de prendre un certain nombre de décisions. Même si des questions techniques restent ouvertes la problématique est désormais industrielle.

Pour notre part, la décision est prise mais sur des périmètres limités. On ne se lancera pas évidemment sur des pièces sensibles sur le plan de la sécurité comme les essieux (ce sont eux qui guident le train sur la voie. Un poste de maintenance non négligeable puisque les 300 000 pièces à entretenir ont un coût annuel de plus de 150 M€, soit 15 à 20 % du coût de maintenance globale du matériel roulant, ndlr) pour lesquelles nous aurions un trop grand volume. Cela n’aurait pas de sens sur un plan économique au coût actuel de la fabrication additive.

Même si la filière SLM est techniquement intéressante, les pièces s’avèrent encore chères, même sans vouloir comparer frontalement les prix avec ceux des pièces d’origine C’est en effet de la rapidité d’obtention des pièces que nous tirons la principale valeur. C’est en panachant le SLM aux autres pistes technologiques que le service maximum sera rendu aux industriels.

 

Le tissu industriel de PME et PMI vous semblent-ils prêts à suivre ?

L-R. J : Si le tissu industriel existe, il n’est pas nécessairement organisé pour produire les pièces aussi rapidement que nous le souhaitons. Il faut que les PME et PMI acquièrent cette technologie et surtout l’organisation de leur atelier ad hoc pour pouvoir fabriquer rapidement des pièces de rechange dont les donneurs d’ordre ont besoin. Les relations entre tous les industriels doivent également probablement être revisitées. Cette technologie sera avantageuse à moyen terme grâce aux développements. L’objectif est d’avancer progressivement. Il n’y aura pas un Grand Soir et un Grand Matin. On peut déjà aujourd’hui acheter un certain nombre de pièces métalliques de rechange, puis dans 6 mois, atteindre les 500 ou 1 000 références complémentaires et ainsi par étapes, étoffer le portefeuille.
Quel intérêt voit la SNCF à travailler sur un mode collaboratif avec d’autres grands groupes ? Des inconvénients et des limites sur la propriété intellectuelle par exemple ?

L-R. J : Simplement pour éviter de réinventer l’eau chaude : l’aéronautique, l’automobile …d’autres secteurs produisent des innovations technologiques dont on a tout intérêt à s’inspirer et à les adapter au monde ferroviaire

Le fait de travailler avec d’autres grands groupes et inter-filières fait partie des pratiques du groupe. Nous avons plusieurs projets de collaborations avec EDF* (cf. plus bas). Il y a pour moi plus d’avantages que d’inconvénients à collaborer même si c’est toujours plus compliqué de se mettre d’accord quand on est plus nombreux à décider. La thématique de la propriété intellectuelle ne me parait pas aujourd’hui bloquante. C’est un sujet mais pas un point rédhibitoire. La preuve c’est que des projets se concrétisent.

Quelle est la valeur ajoutée selon vous d’un écosystème comme le projet Henri-Fabre ?

L-R. J : Nous participons à plusieurs IRT (Institut de recherche technologique, l’IRT System X, l’IRT Railenium, ndlr) et pôles de compétitivité. Ce que nous apprécions particulièrement de la TEAM Henri-Fabre, c’est l’énergie déployée, que l’on ne sent pas toujours partout.

Ensuite, son positionnement pragmatique qui vise à ce que les innovations qui ont déjà atteint un niveau de maturité soient réellement infusées et transférées au tissu des entreprises. Innover n’est pas nécessairement le plus difficile, l’étape la moins évidente à franchir est de parvenir à industrialiser.

 

— Propos recueillis par Adeline Descamps —

 

 *En septembre 2015, un contrat-cadre entre les directions innovation-recherche a été signé entre les deux groupes. Plusieurs projets de recherche sont nés de cette collaboration, à l’interface de la mobilité et de l’énergie.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le chef de projet au sein de l’équipe « Systèmes mécaniques et interactions » au sein de la direction Innovation et Recherche de la SNCF revient sur l’implication du groupe ferroviaire dans le projet Henri-Fabre, l’apport de ce dernier dans les réflexions du groupe sur la fabrication additive tout en saluant la méthode d’innovation orientée sur l’impact qui permet d’industrialiser rapidement.

 

La SNCF a intégré un des projets collaboratifs inter-filières du projet Henri-Fabre. Quel était votre intérêt ?

Louis-Romain Joly : Nous avons eu connaissance du Projet Henri-Fabre par le biais d’EDF et de Jean-Claude Van Duysen (chargé de mission R&D chez EDF, très impliqué dans le Projet Henri-Fabre, ndlr). Nous sommes rencontrés il y a environ deux ans pour échanger sur nos positionnements respectifs en matière de fabrication additive*. Quelques mois auparavant, la direction Innovation et Recherche de SNCF avait en effet débuté une étude sur le sujet. C’est ainsi que nous avons intégré le projet collaboratif portant sur la caractérisation mécanique d’un matériau (l’intox 316 L) produit par l’un des procédés de fabrication additive : la technologie SLM (frittage de poudre métallique par laser, ndlr). Un projet auquel participent d’autres acteurs, comme EDF, Airbus Helicopters, DCNS, la DGA, le CEA, DCNS …

 

Dans quel cadre la fabrication additive vous intéresse-t-elle ? Pour la maintenance des équipements ?

L-R. J : SNCF n’est pas producteur de pièces. En revanche, nous sommes des mainteneurs. SNCF gère un portefeuille d’environ 200 000 références de composants. Nous voyons dans le recours à la fabrication additive une nouvelle voie pour optimiser l’achat et le stockage de ces pièces. Nous avons lancé un projet sur la fabrication additive de pièces métalliques dans l’optique d’être en capacité de produire des pièces de rechange avec des caractéristiques globalement équivalentes aux pièces d’origine. Car nous avons un certain nombre de cas où, pour des questions de délais, de coûts ou de qualité, nous pouvons nous trouver en difficulté avec notre réseau de fournisseurs.

L’idée n’est pas de basculer tout vers le SLM, mais sur des problématiques ponctuelles – articles jugés critiques soit parce qu’ils génèrent des ruptures d’approvisionnement, soit parce qu’ils sont faiblement consommés mais que leur délai d’approvisionnement est long – et afin de limiter les stocks tout en évitant les immobilisations d’équipements, il peut être intéressant d’avoir une solution alternative pour fabriquer rapidement une pièce manquante.

 

Le projet collaboratif touche à ses termes. L’épreuve du réel ?

L-R. J : Le projet vient de se terminer en effet. Nous avons désormais tous les résultats de caractérisation qui nous permettent aujourd’hui de prendre un certain nombre de décisions. Même si des questions techniques restent ouvertes la problématique est désormais industrielle.

Pour notre part, la décision est prise mais sur des périmètres limités. On ne se lancera pas évidemment sur des pièces sensibles sur le plan de la sécurité comme les essieux (ce sont eux qui guident le train sur la voie. Un poste de maintenance non négligeable puisque les 300 000 pièces à entretenir ont un coût annuel de plus de 150 M€, soit 15 à 20 % du coût de maintenance globale du matériel roulant, ndlr) pour lesquelles nous aurions un trop grand volume. Cela n’aurait pas de sens sur un plan économique au coût actuel de la fabrication additive.

Même si la filière SLM est techniquement intéressante, les pièces s’avèrent encore chères, même sans vouloir comparer frontalement les prix avec ceux des pièces d’origine C’est en effet de la rapidité d’obtention des pièces que nous tirons la principale valeur. C’est en panachant le SLM aux autres pistes technologiques que le service maximum sera rendu aux industriels.

 

Le tissu industriel de PME et PMI vous semblent-ils prêts à suivre ?

L-R. J : Si le tissu industriel existe, il n’est pas nécessairement organisé pour produire les pièces aussi rapidement que nous le souhaitons. Il faut que les PME et PMI acquièrent cette technologie et surtout l’organisation de leur atelier ad hoc pour pouvoir fabriquer rapidement des pièces de rechange dont les donneurs d’ordre ont besoin. Les relations entre tous les industriels doivent également probablement être revisitées. Cette technologie sera avantageuse à moyen terme grâce aux développements. L’objectif est d’avancer progressivement. Il n’y aura pas un Grand Soir et un Grand Matin. On peut déjà aujourd’hui acheter un certain nombre de pièces métalliques de rechange, puis dans 6 mois, atteindre les 500 ou 1 000 références complémentaires et ainsi par étapes, étoffer le portefeuille.
Quel intérêt voit la SNCF à travailler sur un mode collaboratif avec d’autres grands groupes ? Des inconvénients et des limites sur la propriété intellectuelle par exemple ?

L-R. J : Simplement pour éviter de réinventer l’eau chaude : l’aéronautique, l’automobile …d’autres secteurs produisent des innovations technologiques dont on a tout intérêt à s’inspirer et à les adapter au monde ferroviaire

Le fait de travailler avec d’autres grands groupes et inter-filières fait partie des pratiques du groupe. Nous avons plusieurs projets de collaborations avec EDF* (cf. plus bas). Il y a pour moi plus d’avantages que d’inconvénients à collaborer même si c’est toujours plus compliqué de se mettre d’accord quand on est plus nombreux à décider. La thématique de la propriété intellectuelle ne me parait pas aujourd’hui bloquante. C’est un sujet mais pas un point rédhibitoire. La preuve c’est que des projets se concrétisent.

Quelle est la valeur ajoutée selon vous d’un écosystème comme le projet Henri-Fabre ?

L-R. J : Nous participons à plusieurs IRT (Institut de recherche technologique, l’IRT System X, l’IRT Railenium, ndlr) et pôles de compétitivité. Ce que nous apprécions particulièrement de la TEAM Henri-Fabre, c’est l’énergie déployée, que l’on ne sent pas toujours partout.

Ensuite, son positionnement pragmatique qui vise à ce que les innovations qui ont déjà atteint un niveau de maturité soient réellement infusées et transférées au tissu des entreprises. Innover n’est pas nécessairement le plus difficile, l’étape la moins évidente à franchir est de parvenir à industrialiser.

 

— Propos recueillis par Adeline Descamps —

 

 *En septembre 2015, un contrat-cadre entre les directions innovation-recherche a été signé entre les deux groupes. Plusieurs projets de recherche sont nés de cette collaboration, à l’interface de la mobilité et de l’énergie.