Polytechnicien, passé par la haute administration, les cabinets ministériels et la banque avant d’intégrer l’Entreprise familiale, Haulotte, spécialisée dans la fabrication de nacelles, Alexandre Saubot est le président de l’Union des industries et métiers de l’industrie depuis mars 2015. C’est lui aussi qui a eu la responsabilité, au sein du Medef, de la négociation sur la modernisation du dialogue social.

 

La métallurgie est souvent considérée comme un laboratoire social pour l’industrie. Qu’est ce qui angoisse aujourd’hui les entreprises que vous représentez ?

Alexandre Saubot : L’instabilité fait partie de notre quotidien et prend différentes formes. Instabilité car le monde change et l’économie s’est mondialisée. Instabilité liée à une transformation de notre société et à l’absence de visibilité. Instabilité fiscale et législative, véritable frein pour les investissements en France. Les entreprises connaissent des frustrations avec des réformes qui n’arrivent pas et beaucoup d’énergie déployée pour des résultats décevants. En la matière, la loi Travail en est la parfaite illustration. Les cinq mois qui viennent de s’écouler ont érodé la confiance des chefs d’entreprise et durablement détérioré le climat social.

Quelles sont selon vous les conditions de la reconquête industrielle en France ?
A.S. : Je suis convaincu que l’économie française ne pourra pas se relever durablement sans un retour de l’industrie à son plus haut niveau. Et j’irais même plus loin : si la France veut à nouveau compter parmi les grandes puissances économiques, elle devra d’abord être une grande puissance industrielle. Performance, innovation et internationalisation sont les trois conditions du succès. Dans ces domaines, le social est devenu un frein alors qu’il devrait être un atout. Nous devons réformer le droit social pour restaurer la compétitivité, faire évoluer un marché du travail beaucoup trop rigide, réformer un dialogue social sédimenté et corseté par de trop nombreuses obligations, refondre un financement de la protection sociale qui pèse beaucoup trop sur le travail.
Nous allons travailler, de concert avec les chefs d’entreprises, pour formuler des propositions dans le contexte des présidentielles autour de nos priorités : l’assouplissement du marché du travail, le dialogue social, l’efficacité de notre système de formation et l’allégement du coût du travail. Nos idées sont largement partagées mais la problématique est celle de la mise en œuvre !

L’UIMM a tenu une conférence sur l’industrie du futur sur le thème : « de l’industrie tolérée à l’industrie désirable » : l’industrie du futur serait-elle un levier pour rendre l’industrie « plus aimable » ?
 
A.S. : De nouvelles opportunités apparaissent grâce au développement du numérique, dessinant ainsi l’industrie de demain. L’industrie du futur est un concept fédérateur et positif qui inscrit l’industrie dans un projet d’avenir. Mais le futur de l’industrie c’est au présent qu’il faut en parler !

Quel est le niveau d’appréhension du sujet chez vos adhérents : convaincus mais attentistes ou réticents mais conquis ?
A.S. : L’industrie du futur est une formidable opportunité et elle est déjà une réalité. De nouveaux modèles d’affaires apparaissent : les acteurs industriels les plus traditionnels sont en effet de plus en plus nombreux à nouer des partenariats avec des grands groupes du numérique ou des startups prometteuses pour transformer leur manière de produire.
Je pense notamment au rapprochement de Google avec Fives et Michelin pour arriver à produire des éoliennes volantes en utilisant des matériaux extraordinairement légers. Un partenariat qui permet à Fives et Michelin de se positionner dans la fabrication additive métallique. Une véritable innovation par rapport à la tradition de l’usinage !
 
L’industrie de demain implique des mutations technologiques et numériques d’importance. Les entreprises se sont-elles appropriées ces outils ?
A.S. : Nous agissons pour les accompagner et les aider à mettre le cap sur l’industrie du futur par l’accès à l’innovation ou à des financements. Je pense notamment au Fonds pour l’innovation dans l’industrie (F2i) qui accompagne les PMI sur le terrain de l’innovation et les incite à créer des passerelles avec la recherche académique en vue de faire aboutir leurs projets. Ou encore à UIMM Invest visant à renforcer leur structure financière au niveau de leurs fonds propres ou quasi fonds propres.

L’adéquation entre les cursus de formation et l’évolution des technologies évolue-t-elle enfin ?
A.S. : L’industrie du futur n’est pas seulement une affaire de technologie, d’automatisation et de numérisation. L’accès aux compétences est un facteur clef pour notre pays. L’évolution des modèles organisationnels et économiques a également des conséquences sur le modèle social de l’entreprise. Sur les compétences, nous disposons d’un Observatoire paritaire des métiers et des qualifications. Nous travaillons depuis de nombreuses années à identifier les évolutions quantitatives et qualitatives des métiers. Notre savoir-faire en la matière est d’ailleurs reconnu par l’ensemble des acteurs de la formation.

Les nouveaux modes de production vont sensiblement modifier l’organisation du travail et les attentes des employeurs. Comment s’y préparer ?
A.S. : Si l’on comprend facilement que l’automatisation permet de réduire l’intervention de l’homme dans les tâches répétitives, l’hyper personnalisation – et pas seulement dans les produits de biens de consommation – conduira à l’adaptation permanente des process de conception, de fabrication, d’acheminement. Cette adaptation nécessitera l’intervention de l’homme dans des métiers et fonctions avec toujours plus de valeur ajoutée requérant toujours plus de compétences. Partout en France, nos pôles de formation sont prêts à relever ce défi pour accompagner les entreprises industrielles et à faire face à ces nouveaux enjeux.

Propos recueillis par A.D

Photo : ©JC Marmara

Polytechnicien, passé par la haute administration, les cabinets ministériels et la banque avant d’intégrer l’Entreprise familiale, Haulotte, spécialisée dans la fabrication de nacelles, Alexandre Saubot est le président de l’Union des industries et métiers de l’industrie depuis mars 2015. C’est lui aussi qui a eu la responsabilité, au sein du Medef, de la négociation sur la modernisation du dialogue social.

 

La métallurgie est souvent considérée comme un laboratoire social pour l’industrie. Qu’est ce qui angoisse aujourd’hui les entreprises que vous représentez ?

Alexandre Saubot : L’instabilité fait partie de notre quotidien et prend différentes formes. Instabilité car le monde change et l’économie s’est mondialisée. Instabilité liée à une transformation de notre société et à l’absence de visibilité. Instabilité fiscale et législative, véritable frein pour les investissements en France. Les entreprises connaissent des frustrations avec des réformes qui n’arrivent pas et beaucoup d’énergie déployée pour des résultats décevants. En la matière, la loi Travail en est la parfaite illustration. Les cinq mois qui viennent de s’écouler ont érodé la confiance des chefs d’entreprise et durablement détérioré le climat social.

Quelles sont selon vous les conditions de la reconquête industrielle en France ?
A.S. : Je suis convaincu que l’économie française ne pourra pas se relever durablement sans un retour de l’industrie à son plus haut niveau. Et j’irais même plus loin : si la France veut à nouveau compter parmi les grandes puissances économiques, elle devra d’abord être une grande puissance industrielle. Performance, innovation et internationalisation sont les trois conditions du succès. Dans ces domaines, le social est devenu un frein alors qu’il devrait être un atout. Nous devons réformer le droit social pour restaurer la compétitivité, faire évoluer un marché du travail beaucoup trop rigide, réformer un dialogue social sédimenté et corseté par de trop nombreuses obligations, refondre un financement de la protection sociale qui pèse beaucoup trop sur le travail.
Nous allons travailler, de concert avec les chefs d’entreprises, pour formuler des propositions dans le contexte des présidentielles autour de nos priorités : l’assouplissement du marché du travail, le dialogue social, l’efficacité de notre système de formation et l’allégement du coût du travail. Nos idées sont largement partagées mais la problématique est celle de la mise en œuvre !

L’UIMM a tenu une conférence sur l’industrie du futur sur le thème : « de l’industrie tolérée à l’industrie désirable » : l’industrie du futur serait-elle un levier pour rendre l’industrie « plus aimable » ?
 
A.S. : De nouvelles opportunités apparaissent grâce au développement du numérique, dessinant ainsi l’industrie de demain. L’industrie du futur est un concept fédérateur et positif qui inscrit l’industrie dans un projet d’avenir. Mais le futur de l’industrie c’est au présent qu’il faut en parler !

Quel est le niveau d’appréhension du sujet chez vos adhérents : convaincus mais attentistes ou réticents mais conquis ?
A.S. : L’industrie du futur est une formidable opportunité et elle est déjà une réalité. De nouveaux modèles d’affaires apparaissent : les acteurs industriels les plus traditionnels sont en effet de plus en plus nombreux à nouer des partenariats avec des grands groupes du numérique ou des startups prometteuses pour transformer leur manière de produire.
Je pense notamment au rapprochement de Google avec Fives et Michelin pour arriver à produire des éoliennes volantes en utilisant des matériaux extraordinairement légers. Un partenariat qui permet à Fives et Michelin de se positionner dans la fabrication additive métallique. Une véritable innovation par rapport à la tradition de l’usinage !
 
L’industrie de demain implique des mutations technologiques et numériques d’importance. Les entreprises se sont-elles appropriées ces outils ?
A.S. : Nous agissons pour les accompagner et les aider à mettre le cap sur l’industrie du futur par l’accès à l’innovation ou à des financements. Je pense notamment au Fonds pour l’innovation dans l’industrie (F2i) qui accompagne les PMI sur le terrain de l’innovation et les incite à créer des passerelles avec la recherche académique en vue de faire aboutir leurs projets. Ou encore à UIMM Invest visant à renforcer leur structure financière au niveau de leurs fonds propres ou quasi fonds propres.

L’adéquation entre les cursus de formation et l’évolution des technologies évolue-t-elle enfin ?
A.S. : L’industrie du futur n’est pas seulement une affaire de technologie, d’automatisation et de numérisation. L’accès aux compétences est un facteur clef pour notre pays. L’évolution des modèles organisationnels et économiques a également des conséquences sur le modèle social de l’entreprise. Sur les compétences, nous disposons d’un Observatoire paritaire des métiers et des qualifications. Nous travaillons depuis de nombreuses années à identifier les évolutions quantitatives et qualitatives des métiers. Notre savoir-faire en la matière est d’ailleurs reconnu par l’ensemble des acteurs de la formation.

Les nouveaux modes de production vont sensiblement modifier l’organisation du travail et les attentes des employeurs. Comment s’y préparer ?
A.S. : Si l’on comprend facilement que l’automatisation permet de réduire l’intervention de l’homme dans les tâches répétitives, l’hyper personnalisation – et pas seulement dans les produits de biens de consommation – conduira à l’adaptation permanente des process de conception, de fabrication, d’acheminement. Cette adaptation nécessitera l’intervention de l’homme dans des métiers et fonctions avec toujours plus de valeur ajoutée requérant toujours plus de compétences. Partout en France, nos pôles de formation sont prêts à relever ce défi pour accompagner les entreprises industrielles et à faire face à ces nouveaux enjeux.

Propos recueillis par A.D

Photo : ©JC Marmara