Sept donneurs d’ordre, plusieurs partenaires de rang 1, 50 TPI et PMI se sont retrouvés à l’occasion de la 3e édition des Rencontres Business&Industrie. Un rendez-vous initié par TEAM Henri-Fabre et la CCI Marseille Provence pour faciliter les échanges et accélérer les opportunités de business de part et d’autre. Le moment est aussi une occasion pour prendre connaissance des projets sur lesquels planchent les grands comptes.

Cela fait désormais trois ans que la TEAM Henri-Fabre évangélise le tissu industriel local à la dynamique « industrie du futur ». La plupart des technologies, qui ont été évoquées à l’occasion de la 3e rencontres Business & Industrie, co-organisées par la CCIMP et la TEAM Henri-Fabre ce 7 novembre au Palais de la Bourse, où il fut question de numérique, de réalité virtuelle et augmentée, de robotisation, de cobotisation, de big data, d’impression 3D, de fabrication additive … « sont disponibles au sein du Technocentre Henri Fabre », ne manquera pas de rappeler Stéphane Magana, directeur du projet Henri-Fabre.

« Pour aider les entreprises à maîtriser les technologies clefs du futur, nous disposons de moyens innovants dans l’impression 3D, l’usinage rapide, les revêtements soit en propre soit via nos partenaires », poursuit le directeur du projet, qui en profite pour annoncer un projet de plateforme associé à la maintenance rapide du futur. « Elles peuvent ainsi les expérimenter et les éprouver, estimer ce qu’elles peuvent en attendre ou comment elles peuvent les intégrer au sein de leur business, en attendant de se forger une opinion et d’investir ».

 

Déceler des opportunités et concrétiser des opportunités de business

Plus de 120 entreprises avait donc rendez-vous au Palais de la Bourse à Marseille. Le concept est désormais éprouvé : rassembler les donneurs d’ordre des filières représentatives du territoire et partie prenante du projet Henri-Fabre, parmi lesquels les fidèles de la première heure (Airbus Helicopters, CEA, EDF, Naval Group, Safran, Thales Alenia Space, Thales Underwater Systems, ndlr), des partenaires de rang 1 (Akka Technologies, ONET, CNIM…), avec leurs équipes achats, afin de rencontrer les 50 représentants de TPI/PMI, qu’ils avaient au préalable choisies « notamment pour le caractère différenciant de leurs technologies et savoir-faire », insiste Philippe Zicher, élu de la CCI Marseille Provence.

« L’industrie du futur ne se fera pas sans l’industrie traditionnelle, celle qui caractérise notre territoire métropolitain, celle de l’énergie, de la sidérurgie, de la chimie et de la pétrochimie, particulièrement performante et innovante. Nous réussirons l’industrie du futur si nous parvenons à concilier cette chance avec le génie d’entreprises TPI/PMI comme celles que vous dirigez », est convaincu celui qui est aussi directeur financier de Baerlocher France, une entreprise spécialisée dans la fabrication et le raffinage de cires et dérivés pour des industriels.

Tout l’objet de ces rencontres est là, complète Stéphane Magana :

« Nous avons la chance d’avoir sur ce territoire plusieurs filières fortes avec la présence de nombreux donneurs d’ordre. Mais les PME sont encore centrées sur une seule filière. Cette journée leur permet à celles-ci de déceler des potentiels de marché transférables vers d’autres filières, et aux donneurs d’ordre de repérer des entreprises susceptibles de compléter leur offre industrielle ».

Compétition, accélération, transformation

Cette année, quelles que soient les problématiques des uns et des autres – « compétitition effrenée », « concurrence sévère », « entrée de nouveaux compétiteurs », « plan de charge en souffrance en raison de carences de production », « défis de la transition énergétique » , « accélération des rythmes » …-, plus personne ne semble douter des apports des nouvelles technologies qui ont déferlé dans leurs usines, tous décelant dans cette « révolution industrielle, technologique, humaine en cours » des opportunités pour « gagner en performance et en compétitivité ».

Quant à l’intégration de la palette des outils dits de l’usine du futur (robotique, traçabilité numérique, fabrication additive…), les donneurs d’ordre ne sont plus vraiment au stade du POC (preuve du concept) mais bien à celui du « minimum viable product » à force de cycles d’itérations.
Pour être clair, aujourd’hui, les questions ne portent plus tant sur la technique (« nous n’avons plus grand chose à prouver », dira l’un d’entre eux) mais davantage sur les modèles économiques associés pour envisager les investissements à opérer.

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Michel Castellanet, responsable Big Data de Thales Alenia Space

« Il reste des inconnus, modère Michel Castellanet, responsable Big Data de Thales Alenia Space. La prévision du retour sur investissements est un vrai sujet. Il faut donc se lancer résolument dans cette transformation numérique en se donnant un ROI global. Jusqu’à présent, nous étions arc-boutés sur les niveaux de rentabilité attendus au prorata de l’investissement consenti. On ne peut plus raisonner ainsi ».

Pour le constructeur cannois de satellites, la transformation digitale n’est plus un concept. Le champion national du spatial a envoyé ces deux dernières années plus de 400 pièces imprimées en 3D dans l’espace, créées grâce à la technologie Laser Beam Melting qui fusionne une poudre métallique couche par couche. La fabrication additive permet à l’entreprise de construire des pièces d’une seule traite sans avoir besoin de procéder à un travail d’assemblage mais aussi de produire des satellites plus légers et donc moins coûteux à envoyer dans l’espace.
Si la filiale spatiale du groupe Thalès vient de signer un second contrat sur le futur lanceur Ariane 6, elle ne doit pas moins « faire face à toutes ces start-up notamment américaines qui se sont lancées sur le marché spatial ». Une référence aux nouveaux entrants à l’image de Virgin, Google, SpaceX, qui projettent de développer des constellations de plusieurs milliers de satellites en orbite basse pour fournir des connexions dans le monde entier à faible coût.
Cette nouvelle donne impose aux acteurs de la filière un véritable défi de production à grande échelle, car il faut faire plus vite, plus légers, moins chers et dans des délais plus courts. Ce qui suppose des partenaires agiles et forces de propositions, de l’ingénierie à la production, est-il indiqué.
Pour Michel Castellanet, ingénieur qui a fait toute sa carrière au sein de la même entreprise tout en changeant sept fois de métier, « il est important de se dire qu’on n’a pas toute la vérité dans une entreprise aussi grande soit-elle. Les mécanismes d’open innovation vont permettre de faire du win-win avec les écosystèmes extérieurs ».

Des conditions industrielles étendues pour Airbus Helicopters

« Notre univers est hyper concurrentiel. Le marché de l’hélicoptère civil s’est effondré suite à un ralentissement de l’activité offshore divisé par deux. Donc ce qui va nous guider encore pour quelques années, c’est l’amélioration de la performance au sens large », résume Jean-Marie Trabucco, directeur industriel d’Airbus Helicopters.
Après cinq ans d’érosion de commandes sur le marché civil et parapublic (- 30 %), la filiale hélicoptériste d’Airbus (25 000 emplois générés en PACA) a de quoi espérer à en juger par son étude sur le marché des hélicoptères civils et parapublics, lequel devrait représenter un montant de 370 Md€ sur la période 2017-2036, dont 125 milliards pour la livraison d’hélicoptères neufs et 245 milliards pour la maintenance, le support et les pièces de rechange.

« On prône l’entreprise étendue pour avoir des conditions industrielles qui nous apportent en continu ce que l’on ne peut plus faire en silo. Il est important, dans ces temps un peu compliqués, d’être accompagnés par un tissu industriel connecté, axé sur les bonnes pratiques, performant et soucieux de diversification. L’UIMM nous accompagne dans cette démarche », insiste le représentant du constructeur de Marignane.

Montée en puissance de la digitalisation chez Safran

Airbus Helicopters pour son projet « Digital Shopfloor » qui consiste à dématérialiser les documents papiers dans l’atelier, tout comme Safran Aircraft Engines avec ses deux nouvelles « pulse lines » (lignes pulsées), celle du LEAP à Villaroche et celle de fabrication de pales de turbine d’hélicoptères à Bordes, font partie des 12 entreprises estampillées « Vitrines de l’industrie du futur ».

Pour autant, manifestement, chez Safran, qui a choisi le site d’Istres pour installer ses capacités d’essai mais aussi et surtout un équipement « assez exclusif au monde », l’industrie du futur n’est pas qu’une simple vitrine. Mais un enjeu industriel et humain, signifie Guy Christophe, directeur du site Safran Aircraft Engines d’Istres.

Réalité virtuelle pour visualiser à taille réelle toutes les pièces conçues, mettre en place de nouvelles méthodes d’assemblage, lancer des formations interactives pour la maintenance, big data pour la traçabilité, contrôle direct, cobotique, traitement de données, simulation de procédés et de flux … les technologies du futur et le numérique chez Safran servent autant à améliorer la performance pour optimiser les modes et temps de production que pour changer la dynamique de collaboration entre les sociétés du groupe suivant un mode plus collaboratif, indique le dirigeant.

Compte tenu de la grande diversité de technologies et de produits chez Safran, les besoins sont pluriels : « Nous devons réduire les temps de développement tout en restant fiable et moins intrusif. On doit être capable de traiter des données en masse pour anticiper les problématiques en essais en temps réel », détaille-t-il.

À Istres, Safran a donc tout récemment mis en route le banc d’essai de son démonstrateur Open Rotor, moteur de rupture technologique avec sa promesse d’économie de carburant de 30 %. « Les apports des technologies numériques vont permettre d’effectuer les sauts nécessaires. Nous avons certaines de ces compétences en interne. Mais pas toutes ». Pour la gestion de données et le big data, le groupe a notamment intégré une cinquantaine de personnes réunies au sein de Safran Analytics.

Supériorité technologique et opérationnelle à prix compétitif

 

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Jean-Michel Laffite, directeur Compliance & RSE de Naval Group (au centre)

 

« Nos savoir-faire sont aujourd’hui espionnés et copiés. Nous sommes challengés par des compétiteurs nouveaux. Nous sommes soumis à des obligations de performance. Pour toutes ces raisons, l’innovation doit être prioritaire dans nos entreprises et au sein du tissu économique car c’est collectivement que nous devons être moteurs d’innovation, sur les technologies et les systèmes certes, mais aussi dans nos modes de travail », explique Jean-Michel Laffite, directeur Compliance & RSE de Naval Group (ex DCNS).
Depuis les premières éditions, le cadre dirigeant est fidèle au rendez-vous pour transmettre au tissu industriel « son intérêt pour la préservation d’un réseau de compétences et de savoir-faire locaux car il en va de souveraineté du pays ».
Le fournisseur n°1 de la Marine française, détenu à près de 63 % par l’État et à 35 % par Thales, réinjecte plus du tiers de ses coûts de production dans son tissu de proximité, notamment dans le Var où il emploie 3 000 personnes.
« Aujourd’hui, un navire est capable de traiter plusieurs centaines d’avions en approche sur plusieurs centaines de kilomètres mais nous devons aussi traiter différentes tailles de drones, des masses asymétriques avec des embarcations type semi-rigides, faire face à des nouvelles menaces. Cela impacte nos développements et exige des compétences précises que nous n’avons pas systématiquement en interne ».

Unanimité
Également filiale du groupe Thales et parmi les spécialistes mondiaux dans les systèmes pour la lutte sous-marine, vivement concurrencé par ailleurs, Thales Underwater Systems (TUS), basé à Sophia Antipolis, Aubagne et Brest (1 000 personnes dans la région, 50 % sous traités en région) conserve en interne les métiers stratégiques mais s’appuie sur les partenariats et notamment ceux qui peuvent apporter de valeur ajoutée.
« L’automatisation, la robotisation, la 3D, la cobotisation, les robots collaboratifs sont des sujets largement en cours chez nous. On recherche ces technologies et beaucoup de PME l’ont », déclare sans ambages Cyril Georges, responsable de l’unité de production et directeur du site d’Aubagne de TUS.
Thales a inauguré en septembre dernier à Casablanca un centre de compétence industriel spécialisé dans la fabrication additive métallique, rappelle le dirigeant, comme pour signifier, s’il en était encore besoin, l’intérêt que porte le groupe à une technologie qui semble faire résolument l’unanimité.
 
Adeline Descamps


EDF et CEA sollicitent également les nouvelles technologies pour relever le défi de la transition énergétique

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Jean-Michel Morey, directeur adjoint CEA Cadarache (à droite)

« Qu’engendre la transition énergétique ? » interroge faussement Vincent Gabette, directeur de l’Unité de production Méditerranée d’EDF. « Tout simplement de nouveaux modèles dont il est attendu de nouveaux services. Il faut en fait imaginer les services du futur avec les outils industriels existants dans un contexte économique très stressant et qui va vite », synthétise l’ingénieur Arts et Métiers de formation et spécialiste de l’hydraulique.
La base régionale du premier producteur européen d’électricité emploie dans la région 27 000 salariés et fait retomber sur l’économie quelque 600 M€ de CA via ses 5 000 prestataires.
« Notre politique a toujours été de privilégier le tissu local, de le préserver, le conforter par la montée en compétences car nos installations de production sont ancrées sur le territoire. Nous avons tout intérêt à avoir un écosystème fiable, pérenne et robuste pour accompagner nos évolutions », confie celui qui a été élu dernièrement à la présidence de l’association TEAM Henri-Fabre.
Très impliqué dans le projet Henri-Fabre, dont il est un des membres fondateurs, le groupe EDF cherche à notamment à solutionner ses problématiques de « réactivité » : « on observe qu’une partie de la perte de valeur est liée à la perte d’indisponibilité lors de nos interventions ».
L’entreprise publique lorgne notamment sur les solutions stockage numérique :

« Il faut savoir que nous sommes sur des paliers de technologies très variées : certaines centrales dates de plus de plus d’un demi-siècle. Nous avons donc une quasi impossibilité de stocker toutes les pièces en magasin ».
Elle suit également de près les technologies de drones aquatiques pour l’inspection en milieu immergé et confiné, « qui éviterait la mise à sec » et a recours à la réalité virtuelle pour former son personnel aux gestes métiers précis « sur des situations où l’on ne peut pas se permettre d’avoir des gestes inadaptés ou qui prennent trop de temps ».

Le dirigeant rappelle souvent qu’une partie de ce qui est acheté « ailleurs » pourrait être relocalisé d’autant que les nouveaux enjeux de production et de distribution d’électricité liés à la transition énergétique et numérique conduisent à une régionalisation de la production, autre source d’opportunités pour le tissu local.

CEA de Cadarache, nouveaux matériaux et instrumentation poussée
Encore étiqueté sous sa composante nucléaire (qu’il s’agisse des nombreux programmes dont il est partie prenante dans la fission en travaillant notamment sur les systèmes nucléaires de la 4e génération, ou de fusion que le réacteur international expérimental ITER cherche à apprivoiser), le « EA » de son acronyme ne se réduit pourtant plus à la seule « énergie atomique » mais aussi « aux énergies alternatives ».
La Cité des énergies, gérée par le CEA Cadarache (via son Laboratoire d’innovation pour les technologies des énergies nouvelles LITEN), encourage notamment le transfert de technologies dans le solaire, l’efficacité énergétique de l’habitat méditerranéen et la biomasse.

« Les ambitions sur la mise en œuvre des énergies renouvelables type solaires ou éolien ne sont sans poser problèmes car ce sont des énergies intermittentes, ce qui nécessite de réorganiser complètement notre système de production », explique Jean-Michel Morey, directeur adjoint du CEA de Cadarache, lequel sous-traite pour quelques 210 M€ en région PACA.

Le directeur adjoint voit quatre projets pour lesquels le CEA a des attentes fortes des PME et PMI : des solutions en termes de matériaux et d’instrumentation poussée pour le réacteur Jules Horowitz, en cours de construction ; « la mise en œuvre de grandes boucles expérimentales pour tester les composants (échangeurs de chaleur, pompes) et dispositifs propres au projet Astrid » (réacteur de 4e génération qui préfigure l’avenir long terme du nucléaire car il permet de fermer complètement le cycle en minimisant les déchets et diminuant les ressources en uranium).
Pour les chantiers d’assainissement et démantèlement de ses anciennes installations de recherche, qui nécessitent des interventions en milieux hostiles ou critiques, le CEA est en quête de solutions qui limitent l’intervention humaine (robotique, réalité virtuelle).
Quant à son accompagnement du grand projet international ITER, plus grande installation expérimentale de fusion jamais réalisée au niveau mondial et qui ne vise rien de moins qu’à démontrer la faisabilité scientifique et technologique de l’énergie de fusion, le projet nécessite également des solutions de matériaux très innovantes et des instrumentations très complexes.

Sept donneurs d’ordre, plusieurs partenaires de rang 1, 50 TPI et PMI se sont retrouvés à l’occasion de la 3e édition des Rencontres Business&Industrie. Un rendez-vous initié par TEAM Henri-Fabre et la CCI Marseille Provence pour faciliter les échanges et accélérer les opportunités de business de part et d’autre. Le moment est aussi une occasion pour prendre connaissance des projets sur lesquels planchent les grands comptes.

Cela fait désormais trois ans que la TEAM Henri-Fabre évangélise le tissu industriel local à la dynamique « industrie du futur ». La plupart des technologies, qui ont été évoquées à l’occasion de la 3e rencontres Business & Industrie, co-organisées par la CCIMP et la TEAM Henri-Fabre ce 7 novembre au Palais de la Bourse, où il fut question de numérique, de réalité virtuelle et augmentée, de robotisation, de cobotisation, de big data, d’impression 3D, de fabrication additive … « sont disponibles au sein du Technocentre Henri Fabre », ne manquera pas de rappeler Stéphane Magana, directeur du projet Henri-Fabre.

« Pour aider les entreprises à maîtriser les technologies clefs du futur, nous disposons de moyens innovants dans l’impression 3D, l’usinage rapide, les revêtements soit en propre soit via nos partenaires », poursuit le directeur du projet, qui en profite pour annoncer un projet de plateforme associé à la maintenance rapide du futur. « Elles peuvent ainsi les expérimenter et les éprouver, estimer ce qu’elles peuvent en attendre ou comment elles peuvent les intégrer au sein de leur business, en attendant de se forger une opinion et d’investir ».

 

Déceler des opportunités et concrétiser des opportunités de business

Plus de 120 entreprises avait donc rendez-vous au Palais de la Bourse à Marseille. Le concept est désormais éprouvé : rassembler les donneurs d’ordre des filières représentatives du territoire et partie prenante du projet Henri-Fabre, parmi lesquels les fidèles de la première heure (Airbus Helicopters, CEA, EDF, Naval Group, Safran, Thales Alenia Space, Thales Underwater Systems, ndlr), des partenaires de rang 1 (Akka Technologies, ONET, CNIM…), avec leurs équipes achats, afin de rencontrer les 50 représentants de TPI/PMI, qu’ils avaient au préalable choisies « notamment pour le caractère différenciant de leurs technologies et savoir-faire », insiste Philippe Zicher, élu de la CCI Marseille Provence.

« L’industrie du futur ne se fera pas sans l’industrie traditionnelle, celle qui caractérise notre territoire métropolitain, celle de l’énergie, de la sidérurgie, de la chimie et de la pétrochimie, particulièrement performante et innovante. Nous réussirons l’industrie du futur si nous parvenons à concilier cette chance avec le génie d’entreprises TPI/PMI comme celles que vous dirigez », est convaincu celui qui est aussi directeur financier de Baerlocher France, une entreprise spécialisée dans la fabrication et le raffinage de cires et dérivés pour des industriels.

Tout l’objet de ces rencontres est là, complète Stéphane Magana :

« Nous avons la chance d’avoir sur ce territoire plusieurs filières fortes avec la présence de nombreux donneurs d’ordre. Mais les PME sont encore centrées sur une seule filière. Cette journée leur permet à celles-ci de déceler des potentiels de marché transférables vers d’autres filières, et aux donneurs d’ordre de repérer des entreprises susceptibles de compléter leur offre industrielle ».

Compétition, accélération, transformation

Cette année, quelles que soient les problématiques des uns et des autres – « compétitition effrenée », « concurrence sévère », « entrée de nouveaux compétiteurs », « plan de charge en souffrance en raison de carences de production », « défis de la transition énergétique » , « accélération des rythmes » …-, plus personne ne semble douter des apports des nouvelles technologies qui ont déferlé dans leurs usines, tous décelant dans cette « révolution industrielle, technologique, humaine en cours » des opportunités pour « gagner en performance et en compétitivité ».

Quant à l’intégration de la palette des outils dits de l’usine du futur (robotique, traçabilité numérique, fabrication additive…), les donneurs d’ordre ne sont plus vraiment au stade du POC (preuve du concept) mais bien à celui du « minimum viable product » à force de cycles d’itérations.
Pour être clair, aujourd’hui, les questions ne portent plus tant sur la technique (« nous n’avons plus grand chose à prouver », dira l’un d’entre eux) mais davantage sur les modèles économiques associés pour envisager les investissements à opérer.

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Michel Castellanet, responsable Big Data de Thales Alenia Space

« Il reste des inconnus, modère Michel Castellanet, responsable Big Data de Thales Alenia Space. La prévision du retour sur investissements est un vrai sujet. Il faut donc se lancer résolument dans cette transformation numérique en se donnant un ROI global. Jusqu’à présent, nous étions arc-boutés sur les niveaux de rentabilité attendus au prorata de l’investissement consenti. On ne peut plus raisonner ainsi ».

Pour le constructeur cannois de satellites, la transformation digitale n’est plus un concept. Le champion national du spatial a envoyé ces deux dernières années plus de 400 pièces imprimées en 3D dans l’espace, créées grâce à la technologie Laser Beam Melting qui fusionne une poudre métallique couche par couche. La fabrication additive permet à l’entreprise de construire des pièces d’une seule traite sans avoir besoin de procéder à un travail d’assemblage mais aussi de produire des satellites plus légers et donc moins coûteux à envoyer dans l’espace.
Si la filiale spatiale du groupe Thalès vient de signer un second contrat sur le futur lanceur Ariane 6, elle ne doit pas moins « faire face à toutes ces start-up notamment américaines qui se sont lancées sur le marché spatial ». Une référence aux nouveaux entrants à l’image de Virgin, Google, SpaceX, qui projettent de développer des constellations de plusieurs milliers de satellites en orbite basse pour fournir des connexions dans le monde entier à faible coût.
Cette nouvelle donne impose aux acteurs de la filière un véritable défi de production à grande échelle, car il faut faire plus vite, plus légers, moins chers et dans des délais plus courts. Ce qui suppose des partenaires agiles et forces de propositions, de l’ingénierie à la production, est-il indiqué.
Pour Michel Castellanet, ingénieur qui a fait toute sa carrière au sein de la même entreprise tout en changeant sept fois de métier, « il est important de se dire qu’on n’a pas toute la vérité dans une entreprise aussi grande soit-elle. Les mécanismes d’open innovation vont permettre de faire du win-win avec les écosystèmes extérieurs ».

Des conditions industrielles étendues pour Airbus Helicopters

« Notre univers est hyper concurrentiel. Le marché de l’hélicoptère civil s’est effondré suite à un ralentissement de l’activité offshore divisé par deux. Donc ce qui va nous guider encore pour quelques années, c’est l’amélioration de la performance au sens large », résume Jean-Marie Trabucco, directeur industriel d’Airbus Helicopters.
Après cinq ans d’érosion de commandes sur le marché civil et parapublic (- 30 %), la filiale hélicoptériste d’Airbus (25 000 emplois générés en PACA) a de quoi espérer à en juger par son étude sur le marché des hélicoptères civils et parapublics, lequel devrait représenter un montant de 370 Md€ sur la période 2017-2036, dont 125 milliards pour la livraison d’hélicoptères neufs et 245 milliards pour la maintenance, le support et les pièces de rechange.

« On prône l’entreprise étendue pour avoir des conditions industrielles qui nous apportent en continu ce que l’on ne peut plus faire en silo. Il est important, dans ces temps un peu compliqués, d’être accompagnés par un tissu industriel connecté, axé sur les bonnes pratiques, performant et soucieux de diversification. L’UIMM nous accompagne dans cette démarche », insiste le représentant du constructeur de Marignane.

Montée en puissance de la digitalisation chez Safran

Airbus Helicopters pour son projet « Digital Shopfloor » qui consiste à dématérialiser les documents papiers dans l’atelier, tout comme Safran Aircraft Engines avec ses deux nouvelles « pulse lines » (lignes pulsées), celle du LEAP à Villaroche et celle de fabrication de pales de turbine d’hélicoptères à Bordes, font partie des 12 entreprises estampillées « Vitrines de l’industrie du futur ».

Pour autant, manifestement, chez Safran, qui a choisi le site d’Istres pour installer ses capacités d’essai mais aussi et surtout un équipement « assez exclusif au monde », l’industrie du futur n’est pas qu’une simple vitrine. Mais un enjeu industriel et humain, signifie Guy Christophe, directeur du site Safran Aircraft Engines d’Istres.

Réalité virtuelle pour visualiser à taille réelle toutes les pièces conçues, mettre en place de nouvelles méthodes d’assemblage, lancer des formations interactives pour la maintenance, big data pour la traçabilité, contrôle direct, cobotique, traitement de données, simulation de procédés et de flux … les technologies du futur et le numérique chez Safran servent autant à améliorer la performance pour optimiser les modes et temps de production que pour changer la dynamique de collaboration entre les sociétés du groupe suivant un mode plus collaboratif, indique le dirigeant.

Compte tenu de la grande diversité de technologies et de produits chez Safran, les besoins sont pluriels : « Nous devons réduire les temps de développement tout en restant fiable et moins intrusif. On doit être capable de traiter des données en masse pour anticiper les problématiques en essais en temps réel », détaille-t-il.

À Istres, Safran a donc tout récemment mis en route le banc d’essai de son démonstrateur Open Rotor, moteur de rupture technologique avec sa promesse d’économie de carburant de 30 %. « Les apports des technologies numériques vont permettre d’effectuer les sauts nécessaires. Nous avons certaines de ces compétences en interne. Mais pas toutes ». Pour la gestion de données et le big data, le groupe a notamment intégré une cinquantaine de personnes réunies au sein de Safran Analytics.

Supériorité technologique et opérationnelle à prix compétitif

 

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Jean-Michel Laffite, directeur Compliance & RSE de Naval Group (au centre)

 

« Nos savoir-faire sont aujourd’hui espionnés et copiés. Nous sommes challengés par des compétiteurs nouveaux. Nous sommes soumis à des obligations de performance. Pour toutes ces raisons, l’innovation doit être prioritaire dans nos entreprises et au sein du tissu économique car c’est collectivement que nous devons être moteurs d’innovation, sur les technologies et les systèmes certes, mais aussi dans nos modes de travail », explique Jean-Michel Laffite, directeur Compliance & RSE de Naval Group (ex DCNS).
Depuis les premières éditions, le cadre dirigeant est fidèle au rendez-vous pour transmettre au tissu industriel « son intérêt pour la préservation d’un réseau de compétences et de savoir-faire locaux car il en va de souveraineté du pays ».
Le fournisseur n°1 de la Marine française, détenu à près de 63 % par l’État et à 35 % par Thales, réinjecte plus du tiers de ses coûts de production dans son tissu de proximité, notamment dans le Var où il emploie 3 000 personnes.
« Aujourd’hui, un navire est capable de traiter plusieurs centaines d’avions en approche sur plusieurs centaines de kilomètres mais nous devons aussi traiter différentes tailles de drones, des masses asymétriques avec des embarcations type semi-rigides, faire face à des nouvelles menaces. Cela impacte nos développements et exige des compétences précises que nous n’avons pas systématiquement en interne ».

Unanimité
Également filiale du groupe Thales et parmi les spécialistes mondiaux dans les systèmes pour la lutte sous-marine, vivement concurrencé par ailleurs, Thales Underwater Systems (TUS), basé à Sophia Antipolis, Aubagne et Brest (1 000 personnes dans la région, 50 % sous traités en région) conserve en interne les métiers stratégiques mais s’appuie sur les partenariats et notamment ceux qui peuvent apporter de valeur ajoutée.
« L’automatisation, la robotisation, la 3D, la cobotisation, les robots collaboratifs sont des sujets largement en cours chez nous. On recherche ces technologies et beaucoup de PME l’ont », déclare sans ambages Cyril Georges, responsable de l’unité de production et directeur du site d’Aubagne de TUS.
Thales a inauguré en septembre dernier à Casablanca un centre de compétence industriel spécialisé dans la fabrication additive métallique, rappelle le dirigeant, comme pour signifier, s’il en était encore besoin, l’intérêt que porte le groupe à une technologie qui semble faire résolument l’unanimité.
 
Adeline Descamps


EDF et CEA sollicitent également les nouvelles technologies pour relever le défi de la transition énergétique

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Jean-Michel Morey, directeur adjoint CEA Cadarache (à droite)

« Qu’engendre la transition énergétique ? » interroge faussement Vincent Gabette, directeur de l’Unité de production Méditerranée d’EDF. « Tout simplement de nouveaux modèles dont il est attendu de nouveaux services. Il faut en fait imaginer les services du futur avec les outils industriels existants dans un contexte économique très stressant et qui va vite », synthétise l’ingénieur Arts et Métiers de formation et spécialiste de l’hydraulique.
La base régionale du premier producteur européen d’électricité emploie dans la région 27 000 salariés et fait retomber sur l’économie quelque 600 M€ de CA via ses 5 000 prestataires.
« Notre politique a toujours été de privilégier le tissu local, de le préserver, le conforter par la montée en compétences car nos installations de production sont ancrées sur le territoire. Nous avons tout intérêt à avoir un écosystème fiable, pérenne et robuste pour accompagner nos évolutions », confie celui qui a été élu dernièrement à la présidence de l’association TEAM Henri-Fabre.
Très impliqué dans le projet Henri-Fabre, dont il est un des membres fondateurs, le groupe EDF cherche à notamment à solutionner ses problématiques de « réactivité » : « on observe qu’une partie de la perte de valeur est liée à la perte d’indisponibilité lors de nos interventions ».
L’entreprise publique lorgne notamment sur les solutions stockage numérique :

« Il faut savoir que nous sommes sur des paliers de technologies très variées : certaines centrales dates de plus de plus d’un demi-siècle. Nous avons donc une quasi impossibilité de stocker toutes les pièces en magasin ».
Elle suit également de près les technologies de drones aquatiques pour l’inspection en milieu immergé et confiné, « qui éviterait la mise à sec » et a recours à la réalité virtuelle pour former son personnel aux gestes métiers précis « sur des situations où l’on ne peut pas se permettre d’avoir des gestes inadaptés ou qui prennent trop de temps ».

Le dirigeant rappelle souvent qu’une partie de ce qui est acheté « ailleurs » pourrait être relocalisé d’autant que les nouveaux enjeux de production et de distribution d’électricité liés à la transition énergétique et numérique conduisent à une régionalisation de la production, autre source d’opportunités pour le tissu local.

CEA de Cadarache, nouveaux matériaux et instrumentation poussée
Encore étiqueté sous sa composante nucléaire (qu’il s’agisse des nombreux programmes dont il est partie prenante dans la fission en travaillant notamment sur les systèmes nucléaires de la 4e génération, ou de fusion que le réacteur international expérimental ITER cherche à apprivoiser), le « EA » de son acronyme ne se réduit pourtant plus à la seule « énergie atomique » mais aussi « aux énergies alternatives ».
La Cité des énergies, gérée par le CEA Cadarache (via son Laboratoire d’innovation pour les technologies des énergies nouvelles LITEN), encourage notamment le transfert de technologies dans le solaire, l’efficacité énergétique de l’habitat méditerranéen et la biomasse.

« Les ambitions sur la mise en œuvre des énergies renouvelables type solaires ou éolien ne sont sans poser problèmes car ce sont des énergies intermittentes, ce qui nécessite de réorganiser complètement notre système de production », explique Jean-Michel Morey, directeur adjoint du CEA de Cadarache, lequel sous-traite pour quelques 210 M€ en région PACA.

Le directeur adjoint voit quatre projets pour lesquels le CEA a des attentes fortes des PME et PMI : des solutions en termes de matériaux et d’instrumentation poussée pour le réacteur Jules Horowitz, en cours de construction ; « la mise en œuvre de grandes boucles expérimentales pour tester les composants (échangeurs de chaleur, pompes) et dispositifs propres au projet Astrid » (réacteur de 4e génération qui préfigure l’avenir long terme du nucléaire car il permet de fermer complètement le cycle en minimisant les déchets et diminuant les ressources en uranium).
Pour les chantiers d’assainissement et démantèlement de ses anciennes installations de recherche, qui nécessitent des interventions en milieux hostiles ou critiques, le CEA est en quête de solutions qui limitent l’intervention humaine (robotique, réalité virtuelle).
Quant à son accompagnement du grand projet international ITER, plus grande installation expérimentale de fusion jamais réalisée au niveau mondial et qui ne vise rien de moins qu’à démontrer la faisabilité scientifique et technologique de l’énergie de fusion, le projet nécessite également des solutions de matériaux très innovantes et des instrumentations très complexes.