Interview de Hubert Montcoudiol et Hervé de Lanversin, co-fondateurs de Seanergy.

Dessaler l’eau de mer ? Un concept dont on parle depuis longtemps, expérimenté par plusieurs pays manquant d’eau douce, mais jusqu’à présent, les procédés étaient trop peu efficaces. Entre le coût énergétique dévorant, la pollution dévastatrice et la lourdeur des infrastructures, le dessalement de l’eau de mer n’était pas une solution d’approvisionnement en eau douce viable pour la population.

Seanergy a été fondée il y a 2 ans par 3 co-fondateurs : Hervé de Lanversin, Hubert Montcoudiol et David Lam, ingénieur issu de la R&D de grands groupes agroalimentaires, sur la base d’une rupture technologique développée depuis plusieurs années.

Pourquoi avez-vous créé Seanergy, vous qui venez d’univers différents ?

Dans moins de 10 ans, ce seront plus de 3 milliards de personnes qui seront concernées par le stress hydrique. Parmi eux, seuls 400 millions d’habitants de pays riches peuvent recourir aux solutions actuelles de dessalement : les pays du Golfe, Israel, l’Amérique du Nord, et plus proche de nous, l’Espagne.

Parmi les technologies existantes, l’osmose inverse est aujourd’hui la plus utilisée. Elle permet de fournir de l’eau à près de 400 Millions de personnes, c’est-à-dire moins de 20% du besoin. Son déploiement vers le plus grand nombre est entravé par ses contraintes : coût de production, bilan énergétique, poids de ses infrastructures et surtout les conséquences sur l’environnement de ses rejets polluants.

Avec les technologies actuelles de dessalement, 52 milliards de m3 de déchets très polluants sont rejetés chaque année, c’est-à-dire 1,5 fois la quantité d’eau produite et l’équivalent de la superficie de la France recouverte d’une couche de 10cm de cette boue destructrice.  Ces process sont coûteux et réservés à une minorité de zones économiquement développées.

Pour envisager un déploiement vers le plus grand nombre de la solution de dessalement d’eau de mer en réponse au manque d’eau dans le Monde, Il fallait donc trouver une innovation technologique capable de s’affranchir de ces deux obstacles: le coût de production (notamment le bilan énergétique) et le rejet de matières toxiques.

Seanergy a pu relever ce défi et a maintenant pour ambition de démocratiser l’accès à l’eau potable, par le dessalement d’eau de mer grâce à une méthode efficace. Elle pourra ainsi agir dans les zones géographiques où le stress hydrique est important, et où l’accès peut être difficile.

Où en êtes-vous de votre développement technologique ?

Cette technologie est encore au stade de démonstrateur, pour optimiser son efficacité et sa fiabilité. Seanergy a commencé par développer un prototype en laboratoire, sur lequel des tests en usine ont été faits en Italie.

Le principe utilisé est celui de la cryo-séparation, qui permet de rejeter uniquement de l’eau légèrement plus salée en milieu naturel, dans les limites autorisées par les accords internationaux de Barcelone. Aucun rejet polluant n’est généré par le procédé, et la technologie est compatible avec toutes les sources d’énergie renouvelable : solaire, éolien, et bien sûr l’énergie marémotrice.

Comment développer son entreprise de zéro quand on part sur une technologie encore jeune, non validée ?

« L’innovation industrielle en France est principalement portée par les grands groupes. Pour les petites entreprises, la question du financement est difficile. Nous avons dû gravir un véritable chemin de croix, à cause de notre statut « early stage » qui rencontre peu l’appétit des investisseurs français. Comme dans les biotech, nous sommes dans un secteur dont le cycle de rentabilité est long : il faut attirer des investisseurs capables d’être présents sur le long terme. Au final, la France manque de structures de financement de l’innovation technologique à un stade pré-industriel, avec des acteurs qui existent mais dialoguent peu entre eux.

Aujourd’hui nous sommes heureux d’annoncer que nous avons pu lever des fonds, obtenir le soutien de la BPI et nous espérons que tout l’écosystème va suivre. Notre visibilité va s’améliorer, et maintenant que nous avons obtenu ces fonds d’amorçage, nous allons pouvoir nous développer. Notre cible prioritaire sera celle des industriels, des ports et marinas, des territoires marins et des infrastructures touristiques côtières. Nous recherchons des partenaires réactifs capables d’investir assez tôt ! »

Qu’attendez vous de votre présence chez TEAM Henri-Fabre ?

Nous nous sommes implantés d’abord en Région Sud car nous souhaitons que cette innovation porte le drapeau régional, et dans ce cadre TEAM était le meilleur partenaire pour accompagner notre développement. Nous attendons de notre présence chez TEAM d’être présents dans un écosystème d’excellence industrielle, dont TEAM est le point focal en région Sud !

Pour fabriquer le démonstrateur et développer les solutions qui permettront sa construction, nous devons recourir à des compétences croisées, nous connecter au réseau local, mais aussi connaître les nouveaux besoins. Nous souhaitons aussi repérer les programmes de recherche qui sont autant de pistes de travail pour demain.

Notre agenda est clair : livrer le démonstrateur au 2ème semestre 2023 ! Nous recrutons 3 ingénieurs, en plus de Pascal qui nous a rejoints cet été, et nous travaillerons avec des prestataires externes pour des tâches spécifiques et précises.

Merci à Hubert Montcoudiol et Hervé de Lanversin.

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